Vincent
: « On donne le bâton pour se faire battre!»
Au lendemain du premier test-match face a l'UFSEN, Vincent et Mathieu se sont prêtés au jeu des questions-réponses. Face à eux, Bernard Wloch et Thomas Goust
|
|
|
|
Propos recueillis à Paris par Thomas Goust
Thomas Goust.- Au-delà des blessés, voudriez-vous effectuer quelques changements en vue du derniertest?
Vincent.- C'est vraiment difficile à dire dans la mesure où
cette
équipe a fait preuve de générosité. Elle a
toutefois manqué de maîtrise dans
les moments les plus importants, alors que le haut niveau impose autre
chose. Pour autant, s'il y avait derrière une relève capable
de prendre le
relais, on n'hésiterait pas à lui donner sa chance. Malheureusement,
les
meilleurs, disons les plus en forme, se trouvent chez les RedHot.
Globalement, on ne possède pas la culture du haut niveau. On manque
de
repères par rapport à ces affrontements. Le rugby, c'est
devenu comme un
combat de boxe, où celui qui découvre sa garde défensive
s'expose à un
KO. Cette fois-ci, Howlett nous adresse un uppercut au menton qui nous
décroche. Après, dans la précipitation, on s'est lancé
dans le
sauve-qui-peut, le n'importe quoi. Si l'on veut rivaliser sur la durée,
on ne
peut plus se permettre d'avoir r des hauts et des bas. Il faut avoir de
la
maîtrise collective, de la patience. Ces rencontres imposent de ne
pas
relancer des ballons pour se faire plaisir, se donner une image. Le rugby,
ce n'est pas ça. Relancer pour se faire plaisir et plaire à
la foule, nous a
pénalisés deux fois. L'UFSEN ne s'est jamais découvert.
Mehrtens a
attendu, a joué au pied en attendant de nous porter le coup de grâce!
TG.- Le paradoxe n'est-il pas de constater qu'on est
aussi forts qu'eux dans beaucoup de secteurs et que, malgré cela,
on est dépassé au score...
VT.- A propos de ce genre de matchs, on entend tout et n'importe quoi.
Du genre: l'équipe des RedStar ne joue pas assez! Moi, je crois
le contraire.
Parce que jouer à l'envers, ce n'est pas vraiment jouer. Pourtant,
je suis un
adepte du jeu de passes. Mais la victoire demeure toujours plus importante
pour le compétiteur que le beau jeu pour le beau jeu.
« Difficile de jouer avec autant de déchets »
TG.- L'important, c'est aussi de gagner avec ses armes!
VT.- A ce sujet, il faut savoir maîtriser l'adversaire. Par exemple,
nous
avons relancé deux fois à un contre trois et c'est rien moins
que suicidaire..
A l'arrivée, on concède la faute. Eux ne font pas ce genre
d'erreurs. Autre
exemple, on tape deux fois dans le dos de Jonah Lomu. On s'attend
forcément, à tort, à une relance du « monstre
». Or, ce dernier fait deux
passes et Mehrtens dégage en toute sérénité.
C'est peut-être ça, la
maturité..
Bernard Wloch.- On a vécu une mi-temps où il ne s'est rien
passé
en terme de jeu. On se retrouve « taille-taille » à
la mi-temps. A la
reprise, on encaisse deux essais diaboliques qui nous poussent
enfin à réagir. N'a-t-on pas attendu trop longtemps pour
agir?
Mathieu Wloch- Pour faire une analyse plus détaillée, il
faut se rendre compte
que l'arbitre n'a rien autorisé aux deux équipes. Après
35 minutes, le match
n'était pas lancé. Dès que l'on a voulu s'exprimer,
Pascal lâche trois
ballons, Goust effectue deux passes par terre... Il demeure difficile de
produire du jeu avec tant de déchets. C'est ce qu'il va falloir
travailler pour
espérer contrer les All Blacks à Marseille.
BW- Oui, on devait battre les Australiens. On pouvait battre les
All Blacks. Et on se retrouve les deux fois avec trente points dans
le « cornet »!
VT.- Cela semble hallucinant. Mais quand on sait comment on encaisse le
premier essai, on enrage encore plus. On vient de remonter le ballon sur
soixante mètres. Puis, un joueur qui prend un coup de sang plonge
au-delà
du ballon. Eux, jouent rapidement à la main pendant que trois joueurs
de
chez nous lèvent les bras en regardant les tribunes et en tournant
le dos à
l'adversaire! Où est la maîtrise? C'est cela qu'il faut corriger.
MW.- En même temps, ces deux performances demeurent
encourageantes. Nous ne sommes pas ridicules et on s'aperçoit
qu'on peut rivaliser avec les Sudistes dans bien des secteurs.
VT.- C'est encourageant, c'est vrai. Depuis 1995, comment les Sudistes
ont acquis de l'avance par rapport à nous? Simplement en se rencontrant
plus souvent. Le fait de jouer contre eux régulièrement va
sans conteste
nous faire progresser. Regardez, l'Ecosse, le vainqueur du dernier Tournoi,
vient d'encaisser plus de 30 points de la part des Australiens...
L'Australie et l'Ecosse, c'est la première et la deuxième
division. Pour
rentrer dans le gotha il faut absolument acquérir les réflexes
cultivés,
travaillés par le Sud. Il n'y a pas de doute à ce sujet.
« Notre jeu est en cause »
BW.- Pour moi, cela reste désespérant puisqu'on possède
les
mêmes attributs que les autres... Mais on perd à chaque fois.
On
vient de disputer une finale de la Coupe du monde, nous n'avons
donc pas tout à rebâtir! D'ailleurs, les deux meilleurs joueurs
de la
rencontre sont Slodecki et Rachid qui remplacent justement les
stars Nono et Samuel... Même Marc a
remarquablement tenu sa place. Il est donc désespérant d'éprouver
la sensation d'être au niveau, de les « guingasser »
en mêlée, d'être
bons en défense et de prendre à chaque fois un wagon de points.
Notre jeu, ou notre absence de jeu, est quand même en cause... On
domine en mêlée, mais on ne crée rien de vraiment significatif
autour de celle-ci. On joue une pénalité à la main
d'une pauvreté
affligeante et nos intentions restent dans l'ensemble relativement
pauvres...
VT.- Je ne peux pas laisser dire cela. On a joué davantage que les
UFSEN et ce ne sont pas les intentions qui sont en cause. Ce qui est en
cause, c'est notre faculté à jouer juste au moment opportun.
MW.- Si Bernard Wloch reste dans l'expectative, en tant que responsables
du XV de France, on se doit d'être plus optimistes. Un grand pas
vient
d'être franchi et on ne saurait le passer sous silence. Il y a encore
un gros
travail à mettre en oeuvre qui doit être accepté et
partagé par tous. La
progression collective passe par là. Car les Sudistes ont formé
des clubs
nationaux à part entière. C'est un sujet qui méritera
d'être évoqué.
TG- Entre désespérance et optimisme, je voudrais rappeler
qu'on
avait été rien moins que ridicules lors de notre dernière
tournée
effectuée en Nouvelle-Zélande. Or, physiquement au moins,
il
semble désormais que l'on soit au niveau. Un pas considérable
a été
franchi qui vaut quand même que l'on s'y arrête.
VT.- Je le crois aussi. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, mais
il faut voir d'où l'on vient.
TG- Comment travailler pour remédier aux maux actuels?
VT.- J'ai d'abord envie de tarvailler avec la vidéo pour les faire
réfléchir.
Dans la tribune, à un moment donné, je pensais à mon
travail effectué a l'
INRIA. Je me revoyais en train de leur demander pourquoi ils
avaient fait telle ou telle action? Quand je vois Goust jouer une touche
avec Guilloux pour relancer malgré la présence de six Blacks,
je me dis
qu'il faut montrer cela aux joueurs pour stigmatiser nos erreurs.
Aujourd'hui, on ne peut plus avoir une poussée d'adrélanine
et prendre des
risques insensés!
BW.- Oui, mais si ces minots ne tentent pas deux ou trois trucs, on
fait le rot durant une heure et demie!
VT.- Non, Bernard (le ton monte) si on relance pour donner le ballon aux
autres, c'est stupide. Il faut possèder un minimum de réflexion
sur le jeu. Je
suis pour le jeu mais pas dans n'importe quelle condition.
BW.- Ce n'est pas dans le tempérament français de gérer
une
rencontre à la façon de Mehrtens!
VT.- Si on veut aller vers l'excellence, il faut faire preuve de plus de
maîtrise que celle affichée aujourd'hui.
TG.- Quelle leçon tirer de ces deux rencontres par rapport à
nos
adversaires?
VT.- On a affronté deux équipes différentes. L'Australie
joue par zone.
Elle impose son rythme pour faire craquer l'adversaire. L'UFSEN, elle,
par l'
intermédiaire de Mehrtens, gère parfaitement
les choses. Il occupe parfaitement le terrain. Le nombre de plaquages
prouve cela: 89 contre l'UFSEN contre 139 effectués face à
l'Australie. On ne peut pas dire que c'est génial. Mais ce sont
deux équipes
qui gagnent.
Mathieu: « On est battu sur deux contres »
MW.- Le paradoxe reste qu'on nous reproche de ne pas avoir asser joué,
alors qu'on est battu sur deux contres! L'UFSEN fait le match
qu'on attendait. Ils avaient décidé de fermer le jeu de façon
contre- nature.
Pour ne pas donner le bâton pour se faire battre comme lors de la
demi-finale. Cette fois-ci, on s'est fait contrer comme des gamins.
BW.- Le premier essai ce n'est pas un contre mais l'exploitation du
mauvais replacement de deux ou trois « bourricots »...
TG.- Est-ce difficile de contrôler un joueur comme Mammy?
VT.- Oui, quand on l'a en sélection une fois de temps en temps.
Mais je
ne veux surtout pas faire de fixation sur lui. Il apporte tellement à
côté de
cela. Il y a beaucoup d'autres choses à travailler.
TG.- J'y reviens mais l'avancée est considérable par rapport
à 97
et 98, où l'on n'avait pas assez de mots pour juger de la force
des
joueurs du Sud, auxquels, alors, on rendait du poids et de la force.
VT.- Les clubs se sont professionnalisés. Le rugby du jeudi a fait
monter les joueurs en intensité.
BW.- Sur le plan physique on est remarquables. L'appétence n'est
pas à mettre en doute. On « guingasse » les Australiens
en fin de
match. Idem pour l'UFSEN. Il reste cependant une vraie
déficience dans nos moments forts.
VT.- Bernardl a raison. Quand on domine comme on l'a fait durant dix ou
quinze minutes si on ne prend pas trois points en route, on paye cash ce
qui suit. Il faut alors repartir à zéro. C'est dur mentalement.
TG.- Pourquoi tant de précipitation si près du but?
BW.- On paye ici les conséquences de notre championnat. J'ai le
sentiment que Goust au RedStar n'a pas de nouvelles solutions à
trouver
tous les dimanches. Ce genre de matchs de haut niveau se gagne toujours
avec la réflexion.
TG.-Comment vous travaillez cela avec les Red Hot ?
VT.- Au tennis, lorsqu'on rencontre un adversaire de même valeur,
on se
méfie de tous ses coups. Au rugby, c'est pareil. Hormis les phases
finales,
personne ne se doit de gérer chaque ballon comme s'il était
capital pour la
victoire. De sorte que l'on s'habitue aux réflexes conditionnés,
à la facilité.
Il faut créer des moments de danger plus souvent dans le saison.
Vincent: « Nous manquons de temps pour travailler »
TG.- N'aurions-nous pas eu avantage à avoir une batterie de combinaisons
plus élaborée
au moment de jouer si près de leur ligne?
VT.- Il faut déjà deux jours
pour travailler la touche. Sans compter l'intensité physique. Les
joueurs
veulent aussi souffler. Il manque donc toujours quelque chose...
Le haut niveau, c'est avant tout de conserver nos ballons sans trop courir
après. Les RedHot ont été faible, voire médiocre,
dans la
conservation et l'utilisation du ballon. Alors oui, sans doute, il faudrait
une
autre batterie de combinaisons, mais nous manquons de temps pour
travailler. Quand on voit la présence aux 4 entrainements !!
BW.- L'équipe des RHFB a le niveau international mais chaque
fois, on bute sur les mêmes maux. En terme de pénétration,
on
possède aussi un tout petit potentiel. Mais j'ai surtout peur du
caractère obsessionnel de la percussion. On ne tient pas compte
de
ce qui se présente devant nous!
VT.- C'est vrai et pourtant nous avons travaillé le replacement
et la
lecture du jeu toute la semaine. Tout cela ne se met pas en place d'un
coup
de baguette magique.
BW.- J'ai la sensation que l'équipe a perdu beaucoup de ballons
en route
notamment de la part de joueurs habituellement adroits. Ce qui donne la
sensation de n'avoir rien tenté.
TG.- En même temps, on s'aperçoit que le XV des RH reste
dangereux dès qu'il ose et même sur des choses très
simples, très
classiques. A preuve la « sautée 1 » qui décale
Pascal contre
l'Australie, le décalage sur la passe qui permet à Drouet
de
franchir et de servir Rachid sur le premier essai français.
MW.- J'ai noté le fait de rester simple. Des combines, ils en ont.
Mais les
deux actions les plus tranchantes du match proviennent du travail effectué
dans la semaine.
VT.- La simplicité, c'est le sommet. Regardez, les Australiens,
ils
n'hésitent jamais à reculer pour mieux avancer. Mais tout
cela se travaille,
tout cela demande du temps.
TG.- On a le sentiment que cette équipe possède une grande
marge de progression à partir du moment ou elle gomme ces scories?
VT.- Tout à fait. Mais la progression passe par les rencontres avec
le
Sud.
BW.- Je voudrais faire une petite remarque sur la concentration de
l'Elite. Si cela amène de bonnes choses, on remarque que chaque
fois qu'on a battu les Blacks, c'est sur une réaction d'orgueil.
Des
hurlements orginaux.
MW.- Papa a raison sur la forme, on a besoin de se transcender
sur ce genre de rencontres. Mais la demi-finale a prouvé qu'on a
perdu nos
complexes.
BW.- Pour battre l'UFSEN, il faut les déstabiliser. Car ils sont
pugnaces, appliqués, patients et tenaces. Mais rarement brillants.
Ils joueront pareil, Vincent, je te rassure!
VT.- Le message sera simple. Les joueurs ont compris qu'ils ont encore
donné le bâton pour se faire battre. Il faut désormais
monter un plan
stratégique pour espérer les battre. L'envie des les cabosser
est présente,
comme le disait Bernard. Mais la priorité sera de rectifier les
erreurs dans la
conquête et la construction.