16/11/2000

 Vincent :  « On donne le bâton pour se faire battre!»
 
 

Au lendemain du premier test-match face a l'UFSEN, Vincent et Mathieu se sont prêtés au jeu des questions-réponses. Face à eux, Bernard Wloch et Thomas Goust


La revanche
Slodecki
L'interview
Rachid

de gauche a droite: Thomas - Bernard - Vincent - Mathieu








                                                                     Propos recueillis à Paris par Thomas Goust

                  Thomas Goust.- Au-delà des blessés, voudriez-vous effectuer quelques changements en vue du derniertest?

                  Vincent.- C'est vraiment difficile à dire dans la mesure où cette
                  équipe a fait preuve de générosité. Elle a toutefois manqué de maîtrise dans
                  les moments les plus importants, alors que le haut niveau impose autre
                  chose. Pour autant, s'il y avait derrière une relève capable de prendre le
                  relais, on n'hésiterait pas à lui donner sa chance. Malheureusement, les
                  meilleurs, disons les plus en forme, se trouvent chez les RedHot.

                  Globalement, on ne possède pas la culture du haut niveau. On manque de
                  repères par rapport à ces affrontements. Le rugby, c'est devenu comme un
                  combat de boxe, où celui qui découvre sa garde défensive s'expose à un
                  KO. Cette fois-ci, Howlett nous adresse un uppercut au menton qui nous
                  décroche. Après, dans la précipitation, on s'est lancé dans le
                  sauve-qui-peut, le n'importe quoi. Si l'on veut rivaliser sur la durée, on ne
                  peut plus se permettre d'avoir r des hauts et des bas. Il faut avoir de la
                  maîtrise collective, de la patience. Ces rencontres imposent de ne pas
                  relancer des ballons pour se faire plaisir, se donner une image. Le rugby,
                  ce n'est pas ça. Relancer pour se faire plaisir et plaire à la foule, nous a
                  pénalisés deux fois. L'UFSEN ne s'est jamais découvert. Mehrtens a
                  attendu, a joué au pied en attendant de nous porter le coup de grâce!

                  TG.- Le paradoxe n'est-il pas de constater qu'on est
                  aussi forts qu'eux dans beaucoup de secteurs et que, malgré cela,
                  on est dépassé au score...

                  VT.- A propos de ce genre de matchs, on entend tout et n'importe quoi.
                  Du genre: l'équipe des RedStar ne joue pas assez! Moi, je crois le contraire.
                  Parce que jouer à l'envers, ce n'est pas vraiment jouer. Pourtant, je suis un
                  adepte du jeu de passes. Mais la victoire demeure toujours plus importante
                  pour le compétiteur que le beau jeu pour le beau jeu.

            « Difficile de jouer avec autant de déchets »

                  TG.- L'important, c'est aussi de gagner avec ses armes!

                  VT.- A ce sujet, il faut savoir maîtriser l'adversaire. Par exemple, nous
                  avons relancé deux fois à un contre trois et c'est rien moins que suicidaire..
                  A l'arrivée, on concède la faute. Eux ne font pas ce genre d'erreurs. Autre
                  exemple, on tape deux fois dans le dos de Jonah Lomu. On s'attend
                  forcément, à tort, à une relance du « monstre ». Or, ce dernier fait deux
                  passes et Mehrtens dégage en toute sérénité. C'est peut-être ça, la
                  maturité..

                  Bernard Wloch.- On a vécu une mi-temps où il ne s'est rien passé
                  en terme de jeu. On se retrouve « taille-taille » à la mi-temps. A la
                  reprise, on encaisse deux essais diaboliques qui nous poussent
                  enfin à réagir. N'a-t-on pas attendu trop longtemps pour agir?

                  Mathieu Wloch- Pour faire une analyse plus détaillée, il faut se rendre compte
                  que l'arbitre n'a rien autorisé aux deux équipes. Après 35 minutes, le match
                  n'était pas lancé. Dès que l'on a voulu s'exprimer, Pascal lâche trois
                  ballons, Goust effectue deux passes par terre... Il demeure difficile de
                  produire du jeu avec tant de déchets. C'est ce qu'il va falloir travailler pour
                  espérer contrer les All Blacks à Marseille.

                  BW- Oui, on devait battre les Australiens. On pouvait battre les
                  All Blacks. Et on se retrouve les deux fois avec trente points dans
                  le « cornet »!

                  VT.- Cela semble hallucinant. Mais quand on sait comment on encaisse le
                  premier essai, on enrage encore plus. On vient de remonter le ballon sur
                  soixante mètres. Puis, un joueur qui prend un coup de sang plonge au-delà
                  du ballon. Eux, jouent rapidement à la main pendant que trois joueurs de
                  chez nous lèvent les bras en regardant les tribunes et en tournant le dos à
                  l'adversaire! Où est la maîtrise? C'est cela qu'il faut corriger.

                  MW.- En même temps, ces deux performances demeurent
                  encourageantes. Nous ne sommes pas ridicules et on s'aperçoit
                  qu'on peut rivaliser avec les Sudistes dans bien des secteurs.

                  VT.- C'est encourageant, c'est vrai. Depuis 1995, comment les Sudistes
                  ont acquis de l'avance par rapport à nous? Simplement en se rencontrant
                  plus souvent. Le fait de jouer contre eux régulièrement va sans conteste
                  nous faire progresser. Regardez, l'Ecosse, le vainqueur du dernier Tournoi,
                  vient d'encaisser plus de 30 points de la part des Australiens...

                  L'Australie et l'Ecosse, c'est la première et la deuxième division. Pour
                  rentrer dans le gotha il faut absolument acquérir les réflexes cultivés,
                  travaillés par le Sud. Il n'y a pas de doute à ce sujet.

                 « Notre jeu est en cause »

                  BW.- Pour moi, cela reste désespérant puisqu'on possède les
                  mêmes attributs que les autres... Mais on perd à chaque fois. On
                  vient de disputer une finale de la Coupe du monde, nous n'avons
                  donc pas tout à rebâtir! D'ailleurs, les deux meilleurs joueurs de la
                  rencontre sont Slodecki et Rachid qui remplacent justement les
                  stars Nono et Samuel... Même Marc a
                  remarquablement tenu sa place. Il est donc désespérant d'éprouver
                  la sensation d'être au niveau, de les « guingasser » en mêlée, d'être
                  bons en défense et de prendre à chaque fois un wagon de points.
                  Notre jeu, ou notre absence de jeu, est quand même en cause... On
                  domine en mêlée, mais on ne crée rien de vraiment significatif
                  autour de celle-ci. On joue une pénalité à la main d'une pauvreté
                  affligeante et nos intentions restent dans l'ensemble relativement
                  pauvres...

                  VT.- Je ne peux pas laisser dire cela. On a joué davantage que les
                  UFSEN et ce ne sont pas les intentions qui sont en cause. Ce qui est en
                  cause, c'est notre faculté à jouer juste au moment opportun.

                  MW.- Si Bernard Wloch reste dans l'expectative, en tant que responsables
                  du XV de France, on se doit d'être plus optimistes. Un grand pas vient
                  d'être franchi et on ne saurait le passer sous silence. Il y a encore un gros
                  travail à mettre en oeuvre qui doit être accepté et partagé par tous. La
                  progression collective passe par là. Car les Sudistes ont formé des clubs
                  nationaux à part entière. C'est un sujet qui méritera d'être évoqué.

                  TG- Entre désespérance et optimisme, je voudrais rappeler qu'on
                  avait été rien moins que ridicules lors de notre dernière tournée
                  effectuée en Nouvelle-Zélande. Or, physiquement au moins, il
                  semble désormais que l'on soit au niveau. Un pas considérable a été
                  franchi qui vaut quand même que l'on s'y arrête.

                  VT.- Je le crois aussi. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, mais
                  il faut voir d'où l'on vient.

                  TG- Comment travailler pour remédier aux maux actuels?

                  VT.- J'ai d'abord envie de tarvailler avec la vidéo pour les faire réfléchir.
                  Dans la tribune, à un moment donné, je pensais à mon travail effectué a l'
                  INRIA. Je me revoyais en train de leur demander pourquoi ils
                  avaient fait telle ou telle action? Quand je vois Goust jouer une touche
                  avec Guilloux pour relancer malgré la présence de six Blacks, je me dis
                  qu'il faut montrer cela aux joueurs pour stigmatiser nos erreurs.
                  Aujourd'hui, on ne peut plus avoir une poussée d'adrélanine et prendre des
                  risques insensés!

                  BW.- Oui, mais si ces minots ne tentent pas deux ou trois trucs, on
                  fait le rot durant une heure et demie!

                  VT.- Non, Bernard (le ton monte) si on relance pour donner le ballon aux
                  autres, c'est stupide. Il faut possèder un minimum de réflexion sur le jeu. Je
                  suis pour le jeu mais pas dans n'importe quelle condition.

                  BW.- Ce n'est pas dans le tempérament français de gérer une
                  rencontre à la façon de Mehrtens!

                  VT.- Si on veut aller vers l'excellence, il faut faire preuve de plus de
                  maîtrise que celle affichée aujourd'hui.

                  TG.- Quelle leçon tirer de ces deux rencontres par rapport à nos
                  adversaires?

                  VT.- On a affronté deux équipes différentes. L'Australie joue par zone.
                  Elle impose son rythme pour faire craquer l'adversaire. L'UFSEN, elle, par l'
                  intermédiaire de Mehrtens, gère parfaitement
                  les choses. Il occupe parfaitement le terrain. Le nombre de plaquages
                  prouve cela: 89 contre l'UFSEN contre 139 effectués face à
                  l'Australie. On ne peut pas dire que c'est génial. Mais ce sont deux équipes
                  qui gagnent.

                 Mathieu: « On est battu sur deux contres »

                  MW.- Le paradoxe reste qu'on nous reproche de ne pas avoir asser joué,
                  alors qu'on est battu sur deux contres! L'UFSEN fait le match
                  qu'on attendait. Ils avaient décidé de fermer le jeu de façon contre- nature.
                  Pour ne pas donner le bâton pour se faire battre comme lors de la
                  demi-finale. Cette fois-ci, on s'est fait contrer comme des gamins.

                  BW.- Le premier essai ce n'est pas un contre mais l'exploitation du
                  mauvais replacement de deux ou trois « bourricots »...

                  TG.- Est-ce difficile de contrôler un joueur comme Mammy?

                  VT.- Oui, quand on l'a en sélection une fois de temps en temps. Mais je
                  ne veux surtout pas faire de fixation sur lui. Il apporte tellement à côté de
                  cela. Il y a beaucoup d'autres choses à travailler.

                  TG.- J'y reviens mais l'avancée est considérable par rapport à 97
                  et 98, où l'on n'avait pas assez de mots pour juger de la force des
                  joueurs du Sud, auxquels, alors, on rendait du poids et de la force.

                  VT.- Les clubs se sont professionnalisés. Le rugby du jeudi a fait
                  monter les joueurs en intensité.

                  BW.- Sur le plan physique on est remarquables. L'appétence n'est
                  pas à mettre en doute. On « guingasse » les Australiens en fin de
                  match. Idem pour l'UFSEN. Il reste cependant une vraie
                  déficience dans nos moments forts.

                  VT.- Bernardl a raison. Quand on domine comme on l'a fait durant dix ou
                  quinze minutes si on ne prend pas trois points en route, on paye cash ce
                  qui suit. Il faut alors repartir à zéro. C'est dur mentalement.

                  TG.- Pourquoi tant de précipitation si près du but?

                  BW.- On paye ici les conséquences de notre championnat. J'ai le
                  sentiment que Goust au RedStar n'a pas de nouvelles solutions à trouver
                  tous les dimanches. Ce genre de matchs de haut niveau se gagne toujours
                  avec la réflexion.

                  TG.-Comment vous travaillez cela avec les Red Hot ?

                  VT.- Au tennis, lorsqu'on rencontre un adversaire de même valeur, on se
                  méfie de tous ses coups. Au rugby, c'est pareil. Hormis les phases finales,
                  personne ne se doit de gérer chaque ballon comme s'il était capital pour la
                  victoire. De sorte que l'on s'habitue aux réflexes conditionnés, à la facilité.
                  Il faut créer des moments de danger plus souvent dans le saison.

   Vincent: « Nous  manquons de temps pour travailler »

                  TG.- N'aurions-nous pas eu avantage à avoir une batterie de combinaisons plus élaborée
                  au moment de jouer si près de leur ligne?

                  VT.- Il faut déjà deux jours
                  pour travailler la touche. Sans compter l'intensité physique. Les joueurs
                  veulent aussi souffler. Il manque donc toujours quelque chose...
                  Le haut niveau, c'est avant tout de conserver nos ballons sans trop courir
                  après. Les RedHot ont  été faible, voire médiocre, dans la
                  conservation et l'utilisation du ballon. Alors oui, sans doute, il faudrait une
                  autre batterie de combinaisons, mais nous manquons de temps pour
                  travailler. Quand on voit la présence aux 4 entrainements !!

                  BW.- L'équipe des RHFB a le niveau international mais chaque
                  fois, on bute sur les mêmes maux. En terme de pénétration, on
                  possède aussi un tout petit potentiel. Mais j'ai surtout peur du
                  caractère obsessionnel de la percussion. On ne tient pas compte de
                  ce qui se présente devant nous!

                  VT.- C'est vrai et pourtant nous avons travaillé le replacement et la
                  lecture du jeu toute la semaine. Tout cela ne se met pas en place d'un coup
                  de baguette magique.

                  BW.- J'ai la sensation que l'équipe a perdu beaucoup de ballons en route
                  notamment de la part de joueurs habituellement adroits. Ce qui donne la
                  sensation de n'avoir rien tenté.

                  TG.- En même temps, on s'aperçoit que le XV des RH reste
                  dangereux dès qu'il ose et même sur des choses très simples, très
                  classiques. A preuve la « sautée 1 » qui décale Pascal contre
                  l'Australie, le décalage sur la passe qui permet à Drouet de
                 franchir et de servir Rachid sur le premier essai français.

                  MW.- J'ai noté le fait de rester simple. Des combines, ils en ont. Mais les
                  deux actions les plus tranchantes du match proviennent du travail effectué
                  dans la semaine.

                  VT.- La simplicité, c'est le sommet. Regardez, les Australiens, ils
                  n'hésitent jamais à reculer pour mieux avancer. Mais tout cela se travaille,
                  tout cela demande du temps.

                  TG.- On a le sentiment que cette équipe possède une grande
                  marge de progression à partir du moment ou elle gomme ces scories?

                  VT.- Tout à fait. Mais la progression passe par les rencontres avec le
                  Sud.

                  BW.- Je voudrais faire une petite remarque sur la concentration de
                  l'Elite. Si cela amène de bonnes choses, on remarque que chaque
                  fois qu'on a battu les Blacks, c'est sur une réaction d'orgueil. Des
                  hurlements orginaux.

                  MW.- Papa a raison sur la forme, on a besoin de se transcender
                  sur ce genre de rencontres. Mais la demi-finale a prouvé qu'on a perdu nos
                  complexes.

                  BW.- Pour battre l'UFSEN, il faut les déstabiliser. Car ils sont
                  pugnaces, appliqués, patients et tenaces. Mais rarement brillants.
                  Ils joueront pareil, Vincent, je te rassure!

                  VT.- Le message sera simple. Les joueurs ont compris qu'ils ont encore
                  donné le bâton pour se faire battre. Il faut désormais monter un plan
                  stratégique pour espérer les battre. L'envie des les cabosser est présente,
                  comme le disait Bernard. Mais la priorité sera de rectifier les erreurs dans la
                  conquête et la construction.